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L'ARGENT - Pauvreté et richesse

Publié le par Mikeulponk

L'ARGENT - Pauvreté et richesse

Le second sujet que nous avons exploré en réunion de Politiques Anonymes a été "l'argent".
Comme c'est un sujet vaste là aussi, j'ai tenté d'éclaircir les notions de pauvreté et de richesse. Des notion bien moins évidentes qu'elles en ont l'air. Je me suis beaucoup appuyé sur les rapports (2020) produits par l'observatoire des inégalités.
J'me suis bien cassé le cul et c'est une grosse compile de données. Mais c'est vraiment un outil important car sur ce sujet (entre autres), les idées reçues sont violentes et très éloignées de la réalité.
Vu l'offensive anti-pauvre que Macron prépare avec ses caniches pour finir de péter la gueule aux chômeurs et aux allocataires du RSA, c'est le moment.

La pauvreté

La pauvreté désigne, dans une société donnée, le fait d'être dans une situation d'infériorité matérielle par rapport aux individus les plus aisés/riches.
Cela peut se traduire par une difficulté à subvenir à ses besoins et à ceux de ses proches. Mais aussi par une stigmatisation par les personnes les plus riches. La pauvreté est la source d'une grande souffrance.


Nous pouvons retenir une définition à tendance socialiste et une autre à tendance libérale.
- Tendance socialiste : Les inégalités sont le fruit de rapports sociaux qui discriminent. Il y a ceux qui ont et ceux qui n'ont pas.
Mais certains s'opposent à cette vision qui définit par le manque.
- Tendance libérale : L'individu ne peut pas subvenir à ses besoins. On invoque alors des causes qui relèvent de la responsabilité personnelle (comme la volonté, etc...)

La pauvreté est-elle un phénomène sociologique, produit par un système social, ou le fruit de manquement individuels (logique méritocratique)?

Quels sont ces besoins que les personnes qui se définissent comme pauvres ne parviennent pas à satisfaire ?
9 personne pauvre sur dix parlent de restrictions, dont la plus importante concerne le logement (1/3), puis l'alimentation, l'habillement, l'énergie, la mobilité, l'hygiène, la santé, les loisirs, la sociabilisation... On pourrait aussi évoquer des inégalités d'accès à l'éducation, à la justice ou un fort manque de maitrise de son temps.

à partir de quels critère sommes-nous pauvres ?

L'observatoire des inégalité a choisi un critère de revenu (qui ne leur semble pas suffir, mais faut bien chercher une base la plus objective possible pour commencer à discuter concrètement).
Revenus inférieur à 50% du salaire médian.
Le salaire médian français signifie que 50% des français gagnent plus et que les autres 50% des français gagnent moins. Ce qui est plus parlant qu'une moyenne car si on prend la moyenne des revenus français, le niveau de richesse des plus riches d'entre nous est si élevée que la moyenne s'élève en laissant les deux tiers en dessous.
Le salaire médian est d'environ 1770€.
Le salaire moyen est d'environ 2380€ (vous voyez la différence).
50% du salaire médian est donc de 890€/mois de revenus disponibles.
C'est à dire après impôts et prestations sociales. Pour une personne seule.

L'un des inconvénient de ce seuil de pauvreté est qu'il dépend de critères seulement économiques. Si le niveau de vie de la classe moyenne augmente, le seuil aussi. Même si les revenus des personnes les plus pauvres ne suivent pas.
Et justement, les fossés se creusent.
D'autre part, si on recensait celles et ceux qui passent sous les radars (comme les sans-abris), le salaire médian baisserait et le seuil aussi.
Certains fixent ce seuil à 60% du salaire médian. Ce qui revient à 1000€/mois et concernerait un peu plus de 10% de la population.

Le seuil à 50% concerne environ 5,3 millions de personnes en 2020 (depuis la crise du Covid, les récentes crises d'inflation et les réformes du chômage, c'est surement bien pire).
C'est à peu près 8,3% de la population.
1 enfant sur 10.

Mais 18% de la population se sent pauvre. Ce qui signifie que ce seul critère économique ne suffit pas.
Il y a la pauvreté monétaire relative et la pauvreté en condition de vie.
Car le revenu ne donne pas lieu aux mêmes réalités selon qu'on se trouve en ville ou à la campagne, si nous sommes en bonne ou en mauvaise santé, selon le milieu culturel...
Seulement 5% de la population cumule ces deux aspects.

L'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale défini un budget de référence pour participer effectivement à la vie sociale.
1400€/mois de revenu disponible (40% de la population se trouve en dessous)

Pour vous donner une idée des seuils de revenus (2020) :
- RSA (seul) : 500€
- Revenu médian des 10% les + pauvres : 715€
- Revenu moyen des 10% les + pauvres : 740€
- Seuil de pauvreté (à 50% du revenu médian) : 890€
- Allocation vieillesse et handicap : 900€
- Seuil des 10% les + pauvres : 930 €
- Seuil de pauvreté à 60% du revenu médian) : 1000€
- SMIC net : 1220€
- Budget de référence pour participer effectivement à la vie sociale : 1400€
- revenu moyen ouvrier : 1680€
- Revenu médian : 1770€

Ce seuil de 890€ s'applique pour une personne seule.
Pour une famille mono parentale (avec un enfant de - de 14 ans) : 1381€.
Pour un couple sans enfants : 1594€.
Pour un couple avec deux enfants (-14 ans) : 2231€.
Pour un couple avec deux enfants (+14 ans) : 2657€.

Qui cela concerne-t-il ?
+ de 50%  des personnes pauvres ont moins de 30 ans.
1/3 sont des enfant et des ados. 7 % sont âgés de + de 65 ans.
Les familles monoparentales sont très exposées (surtout des femmes).
Les femmes sont plus touchées aussi car elles ont des revenus plus faibles, des emplois plus précaires et donc de plus faibles retraites.
Les personnes au chômages aussi.
La baisse du nombre de chômeurs pauvres s'explique souvent par la hausse du nombre de travailleurs pauvres.
Il y a une sale hypocrisie à déplorer la pauvreté des conditions dans lesquelles vivent les enfants sans déplorer celles des parents car il n'y a pas d'enfants pauvres, mais des enfants de pauvres.
D'ailleurs, si il n'y avait pas de redistribution, le niveau de pauvreté irait de 14% à 22% (selon le mode de calcul). Ce qui révèle les fortes inégalités présentent dans la société française.
1/4 de la population est mal employée (1,6% d'inactifs + 2,7% de chômeurs + 3,7% de précaires).
Il y a aussi 4 millions de mal logés.
Et n'oublions pas les personnes immigrées qui sont trois fois plus exposées.
Et n'oublions pas non plus les personnes souffrant d'un handicap.

Quand on parle de ce dont manquent les personnes pauvres, on pense surtout à l'argent. Mais le déficit de capital économique est intimement lié au déficit de capital culturel (diplômes, réseaux, maitrise technologique...).

La richesse

Quand on a parlé de pauvreté, on a rien dit sur la richesse.
Les études sur la pauvreté sont nombreuses, mais sur la richesse, elles sont rares.

La richesse désigne, dans une société donnée, le fait d'être dans une situation de supériorité matérielle par rapport aux individus les plus pauvres.
Cela se traduit par un haut niveau de confort, d'abondance.
Pour les personnes riches, la subsistance n'est plus un problème du tout. Leur niveau de vie tend vers l'excès.
La richesse est considéré comme une source de jouissance individuelle.
C'est aussi une reconnaissance de pouvoir.

On pourrait dire que la richesse cumule deux notions. Possession et pouvoir.
Ce qui crée une relation entre l'argent et la puissance.

Cette notion de richesse est reconnue pour modifier la psychologie de l'attention.
La richesse rend égoïste. Altère la compassion, l'empathie, l'éthique... Elle diminue l'attention sociale (nombrilisme). Autrement dit, les riches vivent dans un tel paradigme déconnecté qu'ils ne font même plus attention à la pauvreté.
La relation entre réponse empathique neurale et statut social est inversement proportionnée.
Mais je pose la question de l'oeuf ou de la poule.
Autrement dit, est-ce que c'est la richesse qui entame notre empathie, ou c'est le manque d'empathie qui permet les conditions de l'accumulation de richesses?

à partir de quoi est-on riches ?

"Il y a toujours plus riche que soi". Si il y a 18% de la population qui se trouve pauvre, combien se sentent riches ?

Le seuil de pauvreté est fixé à 50% du salaire médian. Celui de la richesse est fixé au double du salaire médian.
Le salaire médian étant à 1770€ (2020), le seuil de richesse, pour une personne seule, est fixé à 3500€/mois de revenu disponible (après impôts et prestations sociales). Environ 4 fois le seuil de pauvreté.
Ce qui correspond à environ 8,2% de la population.
Pour une personne seule : 3500€
Pour un couple sans enfants : 5205€
Pour un couple avec 2 enfants : 7287€

La richesse, contrairement à la pauvreté, est avant tout une question d'argent. Mais comme pour la pauvreté, il y a des facteurs sociaux-culturels important pour en avoir le sentiment. Ce que Bourdieux appelle la Distinction (autrement dit, les usages qui vous classent).

Il y a bien plus d'écarts entre les riches, qu'entre les pauvres.
à tel point qu'il faut distinguer les riches (10% les plus riches), les très riches (1% les plus riches) et les ultras riches (0,1% les plus riches), qui n'ont pas grand chose à voir entre eux.
3500€/mois, ce n'est que la porte d'entrée. à partir de là, les chiffres s'envolent de façon exponentielle.
D'ailleurs, la France, contrairement à ce que disent les riches, est le pays d'Europe où les très riches (1%) ont le niveau de vie le plus élevé (1 million par mois en moyenne), après la Suisse. Ce qui fait dire à de nombreux observateurs que la France est un paradis fiscal pour ultra-riches.
Nous avons 1,2 millions de millionnaires.
N'oublions pas que notre petit pays compte parmi ses citoyens l'un des trois hommes les plus riches du monde (selon les périodes). Bernard Arnault possède environ 70 milliards.
Vous voyez l'écart entre le seuil de pauvreté à 890€ et la fortune de cet enfoiré. Nous y reviendront. (70 millions de fois le seuil de pauvreté)

les 90% les plus modestes de la population ont un revenu moyen de 1740€
La partie située entre les 10% les plus riches et les 1% les plus riches a une revenu moyen de 5069€.
Les 1% les plus riches ont un revenu moyen de 14 749€.
Entre les 1% et le 0,1% les plus riches, le revenu moyen est de 12 137€.
La partie entre les 0,1% et les 0,01% a un revenu moyen de 30 508€.
Les 0,01% les plus riches ont un revenu moyen de 108 082€.

Mais pour ce qui est des riches, les revenus ne sont pas la seule richesse à évaluer. Il y a aussi le patrimoine (fortune bancaire, immobilier, actions...).
Depuis la suppression de l'ISF, il est devenu plus difficile à évaluer.
Le seuil de richesse en ce qui concerne le patrimoine est fixé à 490 000€. Ce qui correspond au triple du patrimoine brut français.

Si il y a 4 millions de mal logés (dont 332 000 n'ont même pas l'eau courante) et environ 145 000 SDF, le seuil de richesse évalue à 60m² pour une seule personne et 90m² pour un couple (Paris faisant exception).
82% des personnes riches sont propriétaires.
Le fait d'avoir une résidence secondaire est déterminant.
Les classes supérieure se sont créés des territoires préservés (quartiers, arrondissements, petites villes).

Le fait de posséder des équipements de luxe (comme une berline haut de gamme).
Le fait de se faire servir (garde d'enfants ou de personnes âgées, femme de ménage voir domestiques...)
De Partir en vacance (en particulier sur les côtes touristiques, au ski, où pour des destinations qui demandent de prendre l'avion), surtout sachant que 23% des personnes pauvres ne peuvent pas se payer une semaine de congés dans l'année et que 42% ont dû renoncer à partir en vacance une année.
Avoir des loisirs coûteux (Opéra, concerts de Jazz ou de musique classique, golf, équitation, loisirs aériens ou nautiques, automobiles...)
Maitriser son temps (horaires de travail, prendre des congés quand on veut...) est une donnée plus importante qu'il n'y parait. C'est même l'un des critères les plus clivant. 28% des personnes pauvres travaillent le week-end (par contrainte) et 15% la nuit (par contrainte aussi).
Ne pas s'inquiéter des fins de mois (stabilité, tranquillité d'esprit).
Avoir de hauts diplômes, qui garantissent la reproduction sociale et un haut capital culturel.
Avoir un réseau de connaissances développé, sur lequel on peut compter pour des services, des tuyaux, des pistons, etc... 10% des personnes les plus pauvres n'ont carrément pas de relations sociales développées (ni famille, ni amis, ni voisins, ni collègues).
Avoir des vêtements neufs et de qualité. Avoir moins de deux paires de chaussures en bon état est un critère de pauvreté, et il est fréquent.
Avoir un emploi peu menacé par le chômage (à court terme). Ce qui garanti la stabilité et donc la tranquillité mentale.
Jouir de la hiérarchie (pas d'ordres permanents, pas dominé par une machine...).
Avoir accès à des systèmes privés inégalitaires (écoles, cliniques, clubs...)
Avoir de l'épargne.
Avoir accès aux sphères de pouvoir (médias, politique, direction d'entreprises...).

Mais qui sont-ils?

Les riches sont de plus en plus riches. Ils ont doublé leur richesse depuis l'année 2000 (La crise du Covid a encore exacerbé cette accumulation abjecte).
2/3 des 10% les plus riches ont plus de + de 50 ans.
70% des plus fortunés (en patrimoine) ont + de 50 ans.
51% sont des cadres supérieurs et des professions libérales.
Les 10% les plus riches concentrent 40% des revenus nationaux.
Les 10% les plus fortunés possèdent 46% du patrimoine national.
Les riches tirent leur fortune de leur salaire (77%).
Les ultras riches (0,1%) tirent leur fortune des revenus du capital (75%). C'est à ceux là qu'à le plus profité la suppression de l'ISF.
évidemment, plus on monte dans les hauts salaires, plus les écarts entre les hommes et les femmes sont grands.
Les mieux payés (salaire, pas revenus du capital) sont d'abord les cadres d'entreprises de transports. Puis les médecins salariés; les cadres de banques et d'assurances; les ingénieurs et cadres d'industries; les cadres administratifs, comptables ou financiers; les cadres commerciaux; le personnel d'étude et de recherche; les professions de la communication et de l'informatique; les cadres du BTP; les ingénieurs informaticiens...

Les revenus du secteur public sont moins astronomiques et moins inégaux.
Les mieux payés dans le secteur public sont les directeurs d'hôpitaux et des médecins (prendre en compte l'ancienneté). Les directions travaillant à l'étranger (ambassade, consulats...). Les postes d'encadrement supérieur (grandes entreprises nationales, préfets...) et le trésor/finances publiques.

Le patrimoine est plus inégalitaire que les revenus.
Il est le facteur principal de la reproduction sociale (héritage).

Ce sont surtout des propriétaires immobilier mais il y a aussi beaucoup de capital financier (surtout chez le 1% les plus riches).
Les enfants des plus fortunés deviennent les plus fortunés de leur génération. Ils profitent de donations qui permettent d'échapper aux impôts sur l'héritage.
Depuis les années 80, la part de l'héritage dans la fortune à énormément augmenté pour revenir à une situation proche de celle du siècle dernier.

N'oublions pas que parmi les grands revenus des grands patron du capitalisme, il y a aussi l'exception des joueurs de football et des acteurs et actrices de cinéma. Et parfois quelques stars parvenues.
L'idée qu'il y ai des personnes riches en patrimoine et pauvres en revenus est un mythe.
De la même façon qu'un revenus peut se transformer en capital, le capital peut être valorisé. Autrement dit, le patrimoine génère des revenus et vice versa.

Conclusion

Bon, faut bien en tirer quelque chose de toutes ces données.
Faites le test autour de vous et demandez ce que pensent vos proches de ce qu'est la pauvreté et son ampleur et pareil avec la richesse.
Les réponses seront souvent loin des définitions présentées dans ce long exposé. Partagez ces données et analysez la réaction de vos proches.

Une étude (assez sérieuse, qui donne une idée, rien de plus) estime que 56% des sondés trouvent que les pouvoirs publics n'en font pas assez pour les plus démunis. 33% pensent qu'on en fait suffisamment et 9% pensent qu'on en fait trop.

Sur d'autres questions (plusieurs réponses étaient possibles), 70% pensent que la pauvreté est due au manque de qualification. 59%, parce qu'il n'y a pas assez de travail. 56%, parce que c'est pas de chance.
50%, parce que les pauvres ne veulent pas travailler.

62% pensent qu'il faut augmenter le RSA, 18% le laisser et 16% le baisser.
Je rappelle que le RSA est de 500€ (seuil).

Certains économistes pensent qu'il est possible en France, si on réparti les richesse équitablement, d'éradiquer la pauvreté.
S'il était interdit de recevoir plus de 4000€ (seuil de revenu maximal autorisé), cela permettrait d'accorder à tout le monde un revenu minimum de 1570€.

Cette discussion faisait suite à celle sur le travail.
Si je crée un lien, il est évident que le capitalisme, en monopolisant la richesse, conséquence de la capture des moyens de production et d'échange par la propriété privée excluante, crée la pauvreté pour s'en servir comme d'une aubaine (Relire Proudhon).
Malheureusement, leur fortune leur offre le pouvoir pour nous exploiter.
Il faut qu'il y ai des pauvres pour qu'il y ai des riches. La pauvreté est une construction sociale et politique.
La question n'est pas, si il n'y avait plus de riches, qui emploieraient les pauvres ? Mais, si il n'y avait plus de pauvres, qui travaillerait pour les riches ?

Ce sont eux qui dépendent de nous. Ils ne sont que 1 sur 10. Et ils ne savent pas se bagarrer.
Peut être passerons-nous bientôt au sujet de la police.
Chiens de garde du capital.

Tiens, une p'tite vidéo qui fait écho.
 

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